Elles sont toutes là

Foto di Bruna Bonino

Foto di Bruna Bonino

MIMMO PUCCIARELLI
Elles sont toutes là.
Les papillons ne vivent qu’un jour. C’est tout du moins ce que des maîtres d’école m’ont enseigné pour m’apprendre la vie.
Je n’arrive pas à y croire. Quand je m’en vais en montagne, tout seul, et j’écoute le silence des choses, j’entends le bruissement de leurs ailes, je vois une myriade de couleurs qui peignent l’iris et alors je cours pour les prendre dans mes mains. Délicatement.
J’arrive à en attraper une. Je ferme la paume de ma main pour qu’elle ne reprenne pas son vol et puis, quand son cœur a fini d’appeler à l’aide, quand elle a compris qu’elle est en prison et qu’elle ne peut faire rien d’autre qu’attendre qu’on lui ouvre la porte, pour une seconde j’entrouvre la cage : la voilà !
Belle. Elle me regarde et me demande qui suis-je. J’essaye de le lui expliquer en utilisant sa même langue qui était ma mère et mon père. Où je vis. Mon âge. Pourquoi j’ai voulu capturer son image.
Finalement apaisée, elle se laisse regarder pour quelques instants, le temps de tirer son portrait et puis libre retourne sur ses marches, à s’occuper de ses travaux domestiques ou à tricoter une chaussette, un napperon, ou bien des kilomètres de dentelle qui pourront toujours servir aux petits-enfants qui viendront…
Heureux d’avoir pu recueillir une histoire tout écrite entre les rides et les vêtements d’un jour quelconque, parmi les bruits des gens qui passent et observent, et avec le soleil qui s’est transformé en ingénieur de lumière, idéalement j’embrase la dame comme s’il s’agissait de ma mère, de ma grand-mère, de mon arrière-grand-mère, une de mes filles, la compagne de ma vie.
Puis, je pense : mais chacune d’entre elles pourrait remplir un livre de souvenir. Je sais qu’ils sont tous renfermés à l’intérieur d’un vaisseau de papier mâché caché entre les draps blancs et parfumés prêts à toute circonstance.
Alors, mes yeux s’agitent parmi les vagues des larmes qui voudraient déborder et inonder mon objectif.
Du coup, je me sens comme un Petit Poucet, encore plus petit. Cette dimension me donne la possibilité de m’approcher à ces rides inventées par le temps et je vais y chercher une place pour me cacher.
De cette position et sans peu de me faire entendre par les autres, je feux enfin hurler à chacune d’entre elles : je t’aime.
Qui sait que je n’arrive pas à me faire écouter.

Foto di Bruna Bonino

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