Le chant du Darric

Le nouveau recueil par Mario Urbanet

SILVIA PIO (édité par)

copertina

souvenirs épars                    à Pleubian

après un sévère examen
de maints sujets non admis
la vieille dame adopte
un galet
il pèsera discrètement
sur un monceau de missives
souvenirs
que la vie a rendus lisses

la langue de sable longue et blonde
recueille les empreintes
de marcheurs insatiables
la mer jalouse ce lien intime
en efface les traces à qui perd gagne

tel un danseur mondain
un cormoran évolue pour éblouir
envol virage piqué vrille
et foudroyante attaque

la mer pleure un poisson trop naïf
le cabotin repu sèche ses ailes
comme on salue au Français

des maisons
de pêcheurs désarmés
se baissent humblement
en esquive aux vents

***

moissons bretonnes            au Château de La Roche Jagu

le blé barbu où frayent
bleuets et coquelicots
danse au chant du vent marin
aussi le sarrasin contigu
en l’attente du fil de la faux
un saule ravale ses larmes
la passiflore s’émerveille
des sifflets de six merles frondeurs
maraudeurs de cerises vermeilles
merveilles au goût suret
pour des palais demeurés humbles

l’eau vive
d’un subtil gargouillis
murmure des comptines
et joue à saute-mouton sur de jolis galets

l’ombre d’un orme
noie mon exigeante soif
je déglutis des souvenirs de sable chaud
pâle réplique d’une Afrique
de faux tropiques

sur ces pentes
fleuries d’agapanthes
par groupes de dix
les digitales offrent leur chair bleue
à mon œil tactile
des bergeronnettes piaillardes
trouent le silence moite d’une paix
qui ne dort que d’un œil

***

la porte du large                     à Paimpol

le port rythme la respiration des peuples
sorte de pore du corps social

porte ouverte sur le reste du monde
on en sort avec ou sans
espoir de retour
pour la fuite ou l’aventure

porte qui s’entrouvre
sur un intérieur mythique ou angoissant
quand on vient du large
pour chercher refuge
ou bien fortune

on y respire le varech et le goudron
les embruns iodés
le tabac fort et la sueur
on s’y affaire sur des voiles et des filets
on y repeint éternellement les mêmes coques

les vagues y apportent le voyage à demeure
l’ailleurs vient ici
le monde est un village cosmopolite

on croise les visages les plus fabuleux
de la grande famille de la mer
ses langues s’y mélangent
en une musique plurielle
le rutilant patchwork de l’humanité
s’y offre à tous

quarta di copertina
«Cet ouvrage est dédié à mon ami Maurice Bézert qui nous a quittés en cette fin d’été. Il comporte des poèmes écrits suite à des découvertes de coins de Bretagne en sa compagnie, ainsi qu’une série de témoignages consacrés à notre longue route commune. Xavier Pierre, poète et créateur des éditions “Plumes d’Armor” m’a proposé d’éditer cet ouvrage. S’agissant d’une petite maison d’édition indépendante, j’ai accepté le choix du préfinancement par souscription.» Bon-souscription-le-chant-du-darric

http://www.mario.urbanet.sitew.com

L’auteur a donné ce poème à Margutte:

au Père Noël

un monoplan un papillon et une pie
se partagent le page bleue d’un ciel à colorier
ils laissent libre un vaste espace
à la discrétion des fuyards
en recherche d’une cache sûre

ici un mouton dessine un aviateur
Bellérophon fait se cabrer des Pégases
sur l’anneau de Saturne
pour la parade du Cirque du Soleil
tandis que la Grande Ourse tire son lourd chariot
sans jamais atteindre l’inaccessible étoile

les étoiles filantes tracent un avenir incertain
la voie lactée se lamente de ne pas suffire
à nourrir tous ceux qui ont faim
la lune tente de réunir Pierrots et Colombines
en une ronde d’amour

en arrêt sur l’Olympe des mortels en souffrance
t’adressent l’espoir ultime
de leurs inconciliables croyances disparates
dérisoires paravents d’illusions tandis que se délite
la lie du monde dans l’immondice des vices

Mario Urbanet: la poésie est un jardin planétaire